Un article paru le 27 juillet 2022 dans Future Foods entreprend de faire un état des lieux des connaissances scientifiques concernant les alternatives végétales aux aliments carnés. Il rappelle que l’alimentation, en plus d’être une composante essentielle de notre société (nutrition, emploi, lien social, etc.), est également source de nombreuses problématiques écologiques, de santé humaine et de maltraitance animale. L’intensification de l’élevage est également une source de risque pandémique et de résistance aux antibiotiques.
L’auteur constate que : “L’augmentation de la consommation mondiale de produits d’origine animale, malgré ses conséquences négatives, reflète le fait que les choix alimentaires des consommateurs ne sont pas principalement motivés par des arguments sur les impacts éthiques ou environnementaux de leurs choix. Les principaux moteurs des choix alimentaires sont plutôt le prix, le goût, la santé et la praticité”.
Les substituts à la viande
Une manière prometteuse de résoudre les problématiques liées à l’alimentation consiste à remplacer la consommation de produits d’origine animale par des produits de substitution à base de végétaux. Ces produits cherchent à imiter les produits d’origine animale en ce qui concerne leur apparence, leur goût, leur odeur, leur utilisation et l’expérience culinaire qu’ils procurent. Les consommateurs peuvent facilement adopter les similis-carnés comme moyen de réduire leur consommation de viande sans sacrifier les expériences de consommation auxquelles ils sont habitués et qu’ils apprécient. En effet, la plupart des choix alimentaires des consommateurs sont principalement motivés par le goût, le prix et la praticité, et non par des considérations de bien-être animal, de santé publique ou d’environnement.
Une critique courante est qu’il serait préférable de remplacer la viande par des produits végétaux bruts. Cependant, cela serait nier l’utilisation des similis-carnés qui sont utilisés en remplacement de produits animaux et non en remplacement de produits végétaux. Ainsi, 90 % des consommateurs de substituts sont des consommateurs habituels de viande. Les substituts ont bien pour fonction de remplacer de la viande et non des légumineuses brutes par exemple. Même s’il est vrai que les aliments végétaux bruts sont préférables aux similis-carnés en termes de santé ou d’environnement, la différence entre ces deux options est beaucoup plus faible que la différence avec un régime régulier à base de viande.
L’écart est si important entre les similis-carnés et la viande que la marge de progression en consommant des produits bruts apparaît faible. Par conséquent, l’argument en faveur des aliments bruts par rapport aux similis-carnés concerne un gain potentiel beaucoup plus faible et conduira presque certainement à de pires résultats dans l’ensemble s’il rend les similis-carnés moins attrayants. Par conséquent, comparer les substituts à des produits végétaux brut c’est faire un mauvais procès.
“Dans l’ensemble, la comparaison des similis-carnés avec des aliments végétaux bruts est donc à la fois non pertinente (puisque le premier n’est pas destiné à remplacer le second) et tronquée (puisque la différence entre les deux est beaucoup plus petite que la différence entre l’un ou l’autre et les produits d’origine animale).”
L’auteur rappelle que les substituts sont plus à même d’aider à la végétalisation de l’alimentation grâce à leur praticité d’utilisation. La manière de les préparer et de les utiliser demande un minimum d’adaptation pour un résultat important. Bien que le prix de ces produits, encore très récents, reste un frein, on peut s’attendre à ce que la parité de prix avec les produits d’origine animale ait un impact considérable sur la demande.
Impact environnemental
16 études ont été incluses dans cet article pour mesurer l’impact environnemental des alternatives végétales à la viande.
Concernant le CO2 : dans l’ensemble, des données solides appuient que les similis-carnés sont associés à beaucoup moins d’émissions de CO2 que les produits d’origine animale. Par exemple, le passage des steaks de bœuf aux steaks végétaux au Royaume-Uni pourrait permettre d’économiser de 9,5 à 11 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit 2,4% des émissions territoriales du Royaume-Uni.
Concernant l’utilisation des sols : un recours accru aux produits à base de végétaux permet de diminuer la surface des sols nécessaire. C’est également vrai concernant leur acidification, surtout en remplacement de la viande de porc. Comparativement aux steaks de bœuf, les steaks végétaux étaient associés à une occupation des terres agricoles inférieure de 77 % à 92 %.
Concernant l’utilisation de l’eau et la pollution : des données solides indiquent que les similis-carnés nécessitent moins d’eau et causent moins d’eutrophisation que les produits d’origine animale. Pour prendre l’exemple des steaks, ceux à base de végétaux étaient associés de 67 % à 97 % moins d’eutrophisation d’eau douce et à 83 % à 92 % moins d’écotoxicité marine par rapport à ceux à base de végétaux.
Concernant la consommation d’énergie : les preuves sont limitées et nécessitent plus d’exploration mais cela semble aller également dans le sens d’une réduction des besoins pour les produits à base de végétaux.
En résumé, de nombreuses analyses du cycle de vie confirment l’idée selon laquelle les similis-carnés sont beaucoup plus durables sur le plan environnemental que les produits d’origine animale. Ils génèrent moins d’émissions de gaz à effet de serre et d’autres pollutions, tout en nécessitant moins de terres agricoles, d’eau et d’énergie. En outre, les similis-carnés peuvent réduire notre consommation de combustibles fossiles, d’engrais et de pesticides.
Impact sur la santé
Cette section passe en revue 33 études relatives à l’impact sanitaire des produits de remplacement de produits d’origine animale par des produits d’origine végétale.
Concernant le profil nutritionnel : les études ont constaté que les similis-carnés étaient significativement plus faibles en densité énergétique, en graisses saturées et en protéines, mais significativement plus riches en fibres et en sel. L’auteur conclut que les similis-carnés ont des profils nutritionnels favorables par rapport à la viande, mais qu’il est nécessaire de réduire leur teneur en sel. Ils concluent également que les similis-carnés peuvent être un substitut sain à la viande, surtout si les consommateurs choisissent des produits faibles en sel et en sucre, et riches en fibres, protéines et micronutriments. Ils suggèrent également que les fabricants et les décideurs politiques devraient envisager de fortifier les similis-carnés avec du fer et de la vitamine B12, tout en réduisant la teneur en sucre et en sel.
Concernant la synthèse musculaire et perte de poids : dans l’ensemble, les preuves suggèrent que les similis-carnés à base de végétaux ne sont pas différents des produits d’origine animale en termes de synthèse musculaire et peuvent conférer des avantages en termes de perte de poids.
Concernant d’autres aspect de santé : dans l’ensemble, il existe des preuves suggérant que les similis-carnés peuvent être bénéfique aux personnes qui sont à risque de fractures osseuses, de maladies cardiovasculaires, de diabète et d’hyperuricémie (une trop grande concentration d’acide urique dans le sang).
Autres avantages pour la santé : dans l’ensemble, les preuves de cette section suggèrent que les similis-carnés peuvent réduire le cholestérol, améliorer la santé intestinale et prévenir les décès prématurés.
Innover pour améliorer la santé : plusieurs pistes sont développées pour permettre d’améliorer encore la composition des substituts : enrichir en vitamine B12, ajouter des microalgues, diminuer les teneurs en sel, etc.
Discussion
Perception par les consommateurs et les consommatrices
La plupart des consommateurs considèrent, à juste titre, les similis-carnés comme des options relativement saines. Cependant, certains peuvent les considérer comme non naturels ou trop transformés et en déduire, à tort, qu’ils sont donc non sains, dommageables pour l’environnement ou mauvais d’autres manières. Dans le cas des similis-carnés, la plupart des preuves suggèrent qu’ils sont plus sains que les produits d’origine animale, mais les consommateurs peuvent déduire le contraire s’ils comptent sur les additifs ou le caractère naturel comme étant des indicateurs fiables de santé. L’auteur rappelle également que les produits végétaux ont la particularité de voir la biodisponibilité de leurs nutriments augmenter par la transformation.
Les substituts à la viande sont souvent perçus comme des produits ultra-transformés. Cependant il existe des différences notables avec les produits ultra-transformés qui sont considérés dans les études. En effet, par exemple, dans l’étude mené par Hall en 2019, le régime ultra-transformé comprenait 54 % de sucre ajouté, contre 1 % dans le groupe non transformé et, deuxièmement, il comprenait 34 % de graisses saturées, contre 19 % pour le régime non transformé. Or les produits d’origine végétale sont globalement pauvres en graisses saturées et en sucre. Ils sont également plus riches en fibres. Les critiques courantes des aliments ultra-transformés (qu’ils ont une densité énergétique élevée, un indice glycémique élevé, une hyper-appétence et un faible potentiel de satiété) ne s’appliquent tout simplement pas aux substituts à la viande et aux produits laitiers à base de soja. De plus, les produits à base de végétaux ont une marge de progrès conséquente. Dans de nombreux cas, la transformation d’ingrédients d’origine végétale peut améliorer leurs profils nutritionnels.
Cette préoccupation semble avoir été exacerbée par l’industrie de la viande et des produits laitiers qui exploite l’intuition des consommateurs sur les aliments « non naturels ». En fait, il n’est pas clair que les aliments plus naturels soient plus sains ni, en fait, que les animaux d’élevage d’aujourd’hui puissent être qualifiés de naturels. L’élevage sélectif dans la production de viande moderne a produit des animaux qui ne se trouveraient pas dans la nature et des produits d’origine animale plus riches en matières grasses et plus pauvres en protéines de moins bonne qualité.
Cette stratégie est également utilisée contre la viande de culture.
Limites
L’auteur rappelle quelques limites à son travail : ne pas avoir sélectionné de littérature grise qui pourrait être intéressante et, en raison de la variété des types d’études et des méthodes d’évaluation inclus dans la revue, il n’a pas été possible d’effectuer une méta-analyse quantitative relative à des mesures spécifiques de la santé et de la durabilité.
L’article se termine en appelant les pouvoirs publics à promouvoir les alternatives aux aliments animaux et à lutter contre les stratégies d’appel à la nature probablement soutenues par les industriels de la viande qui voudrait absolument faire croire que la viande d’élevage serait plus naturelle, et donc meilleure.
Les preuves sont pourtant là pour indiquer que les produits à base de plantes sont meilleurs tant pour la santé que pour l’environnement.
Déclaration de conflit d’intérêts
Bien qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêt ou de financement spécifique lié à ce projet, l’auteur est un consultant en recherche indépendant et travaille avec des entreprises de protéines alternatives.